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Une seule erreur priva les campagnes d’une partie des avantages que devait leur assurer une protection aussi marquée pour tout ce qui avait rapport à l’impôt. Par un arrêt rendu un mois avant que Colbert ne parvînt au ministère, le parlement avait interdit aux marchands de former aucune société pour le commerce des grains, et d’en faire des approvisionnements[1]. Il autorisait de plus les cours de justice à réserver, pour la consommation de leur juridiction, les blés recueillis dans le territoire. Cette mesure, bien opposée à celles qu’avait adoptées Saint-Louis pour le commerce intérieur, n’était pas moins contraire aux principes professés plus récemment par Sully. A l’occasion d’un juge qui avait arrêté la circulation des grains, le prévoyant ministre écrivait à Henri IV : « Si chaque juge de votre royaume en faisait autant, bientôt, vos sujets seraient sans argent, et par conséquent Votre Majesté... » Ces grandes leçons furent perdues pour Colbert : non seulement il ne répara pas la faute commise par le parlement, mais, par une erreur qui eut sa cause soit dans les fausses idées du siècle sur le commerce des grains, soit dans l’intention de favoriser les manufactures, objet de la prédilection du ministre, le taux élevé du droit mis à la sortie des blés[2] n’en permit pas l’exportation. Ainsi, en même temps que l'on fermait tous les débouchés au principal produit de la terre, tant dans l’intérieur qu’à l’extérieur, on prohibait les réserves nécessaires pour trans-

  1. Arrêt du mois d’août 1661.- Forbonnais, année 1661.
  2. Par le tarif de 1664, le blé est taxé, à la sortie, à 22 livres le muid.