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Poitiers (732), Charles Martel dépouilla le clergé de ses riches possessions, et distribua les terres et les trésors des évêchés et des abbayes en récompense à ses fidèles et aux autres guerriers libérateurs de la chrétienté[1].

745. — Cette spoliation du clergé donna naissance à des dissensions entre les ecclésiastiques et les détenteurs de leurs biens. Carloman, frère de Pepin, avait tenté le grand ouvrage de la réconciliation par l’adoption des précaires[2]. C’était un traité par lequel, en laissant espérer aux ecclésiastiques qu’ils pourraient rentrer en jouissance à la mort des possesseurs actuels, on réglait qu'en considération des guerres dont le royaume était menacé de tous côtés, les terres qui avaient été enlevées si l’Église pour les besoins de l’armée resteraient aux guerriers, qui paieraient chaque

  1. Grég. de T. liv. 6, chap. 46. — Mably, obs., liv. 1, ch. 4 et 6. — Ord. du Louvre, t. 15, p. 272. — Epistola episcopurum ad Ludovicum regem Germaniæ, capit., t. 2, p. 108. — Capit. imp. Caroli magni, ann. 803.
  2. Le précaire était un contrat de bail dont l'usage s’introduisit en France sous les rois de la première race, et probablement après Clovis. Ces sortes d'actes consistaient ordinairement dans une donation que des pêcheurs faisaient de leurs biens aux églises ou aux monastères ; en suite de quoi, par des lettres que l’on appelait precaritœ ou precatoriœ, ils obtenaient des donataires l’autorisation de posséder ces mêmes biens en usufruit, à titre de bénéfice et moyennant une redevance annuelle que l'on peut supposer avoir été du dixième des fruits. La durée de ce contrat était le plus habituellement de cinq années ; on en trouve qui sont à vie ; d'autres, en assez grand nombre, sont faits pour cinq, six, et même sept générations. (Capitula regum Francorum, édit. de 1780, t. 1, p. 347 ; t. 2, p. 32, 457 et 931. - Dict. de jurisprudence, au mot Précaire. - Mably, obs. sur l’hist. de France.)