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nes créances discréditées comme s’il en eût fait l’avance. De plus, au mépris des lois du royaume, et des promesses récemment faites au parlement, il surimposait aux tailles, par simples lettres de cachet, les sommes qu’il lui plaisait d’exiger, ce qui ne s’était fait que par lui et pour lui ; enfin, il avait traité en son nom et à son profit de la fourniture des armées. Par ces concussions hardies, qu’un ministre français n’eût pas commises impunément, Mazarin accumula une fortune de cent millions, c’est-à-dire supérieure au montant des revenus annuels du royaume. Avant de mourir, le cardinal, connaissant la magnanimité de Louis XIV, lui remit une donation en forme de ses biens. Le roi la lui rendit après quelques jours ; et par cette générosité, peut-être irréfléchie, légitima tant de rapines, et priva l’état d’une restitution que réclamait la fortune publique, qui était bien loin d’être dans une situation aussi prospère que celle du ministre[1].

Le royaume supportait pour quatre-vingt-cinq ou quatre-vingt-dix millions d’impôts pour le compte de l’état seulement ; les taxes de consommation et les autres droits affermés, non moins inégalement répartis que l’impôt foncier, avaient été élevés en dix-sept ans de soixante pour cent. L’habitant des campagne, découragé par l’excès des tailles, tourmenté par les frais de contrainte, d’exécution, d’emprisonnement, ruiné par la vente de ses bestiaux et par toutes les vexations qui naissent de la confusion et du désordre, négligeait la culture des terres : il en résultait des disettes que l’on

  1. Forbonnais, année 1661. — Anquetil. — Siècle de louis XIV.- Comptes de Mallet.