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souverainement injuste que vous les remplissiez de ce qui est destiné à la subsistance de ces infortunés ? » Le prélat irrité se retira sans prendre congé du roi. Clotaire se montra d’abord offensé mais il redoutait la puissance de saint Martin. Par cette raison, il envoya sur les pas de l’évêque, le priant d’accepter les présents qu’il lui faisait porter et de recevoir ses excuses. Il renonçait à son entreprise, la condamnait, et demandait au courageux prêtre d’intercéder pour lui auprès du bienheureux saint Martin[1].

Ainsi l’église de Tours jouit d’une immunité qui s’étendit non seulement à ses biens, mais à tous les habitants de cette cité. C’est ce que nous apprend encore l’historien Grégoire. Parvenu à l’épiscopat, il défendit avec succès, comme un droit acquis, ce qui n’avait été dans l'origine qu’une concession.

Après que les commissaires qui avaient été envoyés à Poitiers par Childebert eurent terminé dans cette ville la description dont il a été parlé précédemment, ils se rendirent à Tours dans la vue d’y faire une semblable opération. Ils disaient : « Nous possédons un registre par lequel il est prouvé que le peuple de cette ville a payé le tribut sous les rois précédents. » A quoi l'évêque Grégoire répondit : « Du temps du roi Clotaire, la ville de Tours fut marquée pour être assujettie aux tributs, et le registre fut porté au roi; mais il est aussi certain que le roi s’en repentit, parce qu’il redoutait la puissance du bienheureux saint Martin, et le registre fut brûlé. A la mort de Clotaire, ajouta le prélat, le peuple de cette ville se soumit au

  1. Grégoire de Tours, trad. de Sauv., t. 2, liv. 4, ch. 1.