Page:Bailly - Histoire financière de la France, depuis les origines de la monarchie jusqu’à la fin de 1786, tome 1.djvu/359

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une fortune rapide pour ceux qui les obtenaient. Les trésoriers achetaient à vil prix les créances sur le trésor, et, de concert avec leurs protecteurs, ils portaient en dépense le montant intégral des acquits[1].

Sur ces entrefaites, dans des libelles répandus avec abondance, les écrivains des divers partis accusaient les députés des trois ordres de s’être laissé corrompre les uns par la cour, les autres par le prince de Condé; et ces accusations, qui n’étaient pas sans quelque vraisemblance, ne contribuèrent pas peu à déconsidérer les assemblées publiques aux yeux de la nation, qui se voyait abusée dans ses espérances[2].


1615.- Dans le moment où la cour se croyait tranquille par l'éloignement des députés, elle eut à lutter contre un adversaire plus redoutable que les états-généraux. Le parlement, à peine remis de l'inquiétude que lui avait causée le projet de remboursement des charges, mais dont l’autorité semblait s’accroître à mesure que la voix des trois ordres étaient méconnue, se présenta comme le protecteur et le gardien des intérêts du peuple. Quoique rien dans son institution ne l’eût investi de cette prérogative, l’usage et l’opinion de la nation la lui avaient en quelque sorte décernée. L’excès des abus, le luxe des financiers insultant à la misère publique, de plus, un motif secret de mécontentement contre la cour, qu’excitaient encore les seigneurs jaloux de la puissance du maréchal d’Ancre, éveillèrent le zèle de cette compagnie. Dans des remontrances, remar-

  1. Remontrances du parlement du 22 mai 1615.
  2. Déclaration ou manifeste du prince de Condé.