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mée; Henri IV se promettait d’enlever la ville d’Arras aux Espagnols(1596). Il lui fallait huit cent mille livres pour assurer le succès de cette entreprise; mais vainement, en exposant ses pressants besoins aux membres du conseil, le roi « les príoit, les conjuroit, par leurs loyautez et sincères affections envers lui et la France, de fournir ces fonds : » ils répondaient froidement que, « loin de pouvoir lui procurer une somme notable, ils se trouvoient bien empeschez à recouvrer des fonds pour faire rouler sa maison[1]. »

Si la connivence coupable des membres du conseil avec les comptables et les traitants augmentait la détresse qu’éprouvait le roi, une cause générale et plus funeste de la pénurie du trésor existait dans l'épuisement des ressources du pays. Pendant les huit dernières années du règne précédent, huit cent mille individus, de tous sexes et de tous rangs, avaient péri victimes des guerres civiles ou des fureurs religieuses. On comptait neuf villes rasées; les autels étaient dépouillés, ou les églises démolies; le feu avait anéanti deux cent cinquante villages; cent vingt-huit mille maisons étaient détruites et les campagnes offraient de toutes parts les traces des brigandages commis par les soldats de tous les partis; le commerce était interrompu, et les ateliers sans travaux. Cependant, à la faveur de la confusion qui régnait encore, les agents du fisc ou les fermiers étendaient arbitrairement les impôts; les grands seigneurs, entraînés à de fortes dépenses, établissaient et levaient à leur profit des taxes dans leurs terres ou dans leurs gouvernements. Tel est, d’après un écri-

  1. Lettre de Henri IV à Sully, 15 avril 1596.