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exigeaient lorsqu’on ne l’acquittait pas; puis ils taxèrent les épices; enfin, « aimant mieux les juges toucher deniers que dragées, » ils les convertirent en argent. Cet usage s’étendit du parlement aux juridictions inférieures; et l’exaction abusive fut portée au point d’exciter plus tard les plaintes des trois ordres dans des assemblées d’états-généraux ; mais l'abus introduit ne s’en perpétue pas moins dans l’avenir[1].

Louis XII, malgré son éloignement pour les impôts, se trouva cependant forcé d’établir de nouvelles taxes pour assurer le succès d'une expédition contre les Génois révoltés; mais il avait expressément ordonné qu’on ne levât ces taxes qu’après avoir épuisé les autres ressources. Débarrassé de cette entreprise plus promptement et à moins de frais qu’il ne l'avait cru, il révoqua l’édit et remercia ses sujets de leur bonne volonté, renonçant à en faire usage, « attendu, disait-il, que leur argent fructifiait mieux dans leurs mains que dans les siennes. »

Les intentions bienfaisantes du roi pour son peuple étaient puissamment secondées par l’administration économe et sage du cardinal George d’Amboise, « ministre sans avarice et sans orgueil, » qui, le premier dans ce poste, donna l’exemple du désintéressement en se bornant au revenu d’un seul bénéfice. Cet esprit d’épargne, dans le souverain et dans son ministre, convenait peu aux courtisans ; ne trouvant pas le roi prodigue, ils le taxaient de parcimonie, et en faisaient l’objet de leurs sarcasmes. Louis XII en fut instruit.

  1. Œuvres de Pasquier, t. 1, p. 64, A et B.- Hist. de France par le comte de Boulaínvilliers, t. 3, p. 348.