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s'assemblèrent dans le lieu même des séances du parlement, « le roi séant en son lit de justice [1] [2]. »

Ce changement, si important pour ses conséquences, fut tout entier l’effet de la sage circonspection de Charles V. Il appartenait peut-être à ce prince habile de consolider par des institutions durables l’édifice financier dont les bases avaient été jetées par Philippe-le-Bel, en déterminant la part que la nation, représentée par les députés des trois ordres, devait prendre dans le vote des impôts. Mais au moment d'une nouvelle guerre avec un prince puissant qui élevait des prétentions à la couronne de France, sans cesse inquiété par les complots du roi de Navarre, éclairé d'ailleurs par sa propre expérience sur l’influence dangereuse des factieux dans une assemblée publique, Charles V avait à craindre, en convoquant les états-généraux, d’exposer le royau-

  1. Pasquier, t. 1, p. 87, D. — Mézerai. - Anquetil.
  2. Nos rois siégeaient en lit de justice sur un trône couvert d’un dais, connu alors sous le nom de lit : de là le nom de lit de justice donné à ces assemblées. La délibération y fut d'abord libre, et chacun donnait son avis à haute voix. « Lorsqu’en 1396, Charles VI tint son conseil en la chambre de parlement, et que, pour ce, y fut dressé son lict de justice, le roi requit tous les dessusdists par leur loyauté et par le serment qu’ils avoient et ont à lui, que loyalement, en leur honneur et comme tenus y sont, ils le consultassent en tout ouvertement. » Henri II paraît avoir le premier porté atteinte au précieux et important usage de délibérer et de voter hautement. Dans une séance tenue en 1559, ce prince lit arrêter deux conseillers qui, nous la foi publique, et même sur sa parole, avaient dit librement leur avis en sa présence : dès lors la liberté des délibérations s’anéantit insensiblement. Le chancelier venait dans les rangs prendre la voix, que chacun lui donnait tout bas; et le roi n'entendait des avis que ce que le chancelier venait lui rapporter.