Sinet est le secrétaire-qui-fait-le-jour. Je suis le secrétaire-qui-fait-la-nuit. À son avis, le travail du jour est autrement
important que le travail de nuit. À mon avis, le travail de nuit est autrement important que le travail du jour. Mais, pour lui comme pour
moi, c’est un travail bien ennuyeux. Et nous voilà d’accord.
J’arrive à cinq heures quinze. M. Sinet n’est pas encore parti, mais il tient déjà sa canne. À cinq heures dix-neuf, il serre sa dernière forme. À dix-neuf heures et demi on ne le voit plus.
Pendant toute la journée, il s’est démené :
— Attention !… Grosse nouvelle… Doit passer…
Je lui demande la consigne :
— Eh bien, Monsieur Sinet, quoi de neuf ?
On aurait assassiné le pape :
— De neuf ? Rien… Je pars, répond M. Sinet.
Au début, les patrons étaient jeunes ; ils eurent besoin d’un secrétaire qui « la connût dans les coins ». D’un journal qui sombrait, ils repêchèrent M. Sinet.
— Ce qu’il nous faudrait, Monsieur Sinet…
— Je sais, je sais, laissez-moi faire, a répondu M. Sinet, qui, en effet, a fait.