Page:Baillon - Par fil special, 1924.djvu/239

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Honteux de leur candidat, les patrons finissent par lui dire :

— Allons à la direction, Charles. Nous empêchons ces Messieurs de travailler.

Mais là aussi, un homme travaille, et bientôt on l’entend : « Oui, mais moi… oui, mais moi » dans un petit réduit de l’autre côté du mur, où les cannes et les chapeaux ne laissent pas de place au téléphone.

Le candidat bouclé, je fais un tour à l’atelier. Une élection ne se met pas en pages, sans quelque mauvaise humeur. Rogniez grogne. Je l’attrape par la manche :

— Je viens de la direction, Rogniez : si Durant est élu, on boira du Champagne.

Les hommes savent. Quand un chiffre est bon :

— Du Champagne ! Du Champagne ! chantent les linotypes.

Quand ça flanche, ils tapent dessus, un peu comme ils taperaient sur ce c… de Durant qui n’est pas fichu de leur gagner du Champagne.

Devant sa trois, Edmond se balance. Sans doute a-t-il fêté le candidat de l’UPRÈME. À pleines poignées, il attrape ses articles si dangereux à tomber en pâte, et, comme il voit entrer M. Dufour, il regarde avec tendresse venir ce bon M. Dufour ; il se retient mal d’embrasser cet excellent M. Dufour, et celui-ci tout près :

— N’est-ce pas ? s’émeut Edmond, si notre Durant l’emporte, nous aurons le Bonheur Social ?

Puis il va, contre un mur, s’ouvrir, dans l’estomac, une place pour ce futur Bonheur Social.