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Tantôt, leur ballot de journaux sur l’épaule, ils se disperseront :

— …vient d’paraître !… Sortant d’presse !…

En attendant, ils s’écrasent vers le guichet d’où leur viendra ce qu’ils appellent le papier. Les premiers servis sont les premiers qui vendront. On leur a bien remis un numéro d’ordre, mais une bonne place semble plus sûre. S’y maintenir ne va pas sans quelque attrapade et, dame ! dans cette petite cour, cela sonne.

— Eh bien ! là-bas ! vos gueules !

C’est M. Floris ou, comme ils disent, M. Alphonse.

M. Alphonse est leur chef. C’est lui qui distribue les fameux numéros d’ordre, lui qui fournit le papier ou, si l’on ne marche pas droit, le refuse. Sorti de leur rang, il connaît les mots qu’il faut et les roule avec des r qui donnent la frousse. Un seul mot, et la querelle s’apaise ; mais bientôt, dans un autre coin, cela recommence.

Quand j’arrive à cinq heures, je dois passer par là. Comment, entre ces dos et ces jambes, insinuer un corps de plus ?

— Pardon… Permettez…

J’ai mon faux col, mon veston. Ils ne bougent pas. Que leur importent ces chichis du Monsieur. Avec son chapeau et ses manchettes, n’est-il pas du genre de ces rapaces de directeurs qui leur répondent avec les r de M. Alphonse :

— Mon papier est trop cherr ! Cherrchez en d’autrres !

Mais non ! mais non ! Que de malentendus en ce monde !