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À présent, il a trouvé : les grands avec les grands, les petits avec les petits, par rang de taille. C’est mieux. Mais si, de format pareil, il pouvait les réduire à la même épaisseur !


Grand reportage.

Sur la fenêtre, la neige en rideau. Le gaz brûle. Roupie au nez, bleu de fièvre, Robusse tape comme un fou sur sa machine à écrire. Je lis par-dessus son épaule : …foule en délire. Notre auto file en quatrième vitesse. Il fait chaud : par-dessus le parfum des orangers en fleurs, nous arrive le souffle embaumé de la Grande-Bleue…

— T’en as de la veine, Robusse.

Il est trop rauque. À peine, si on comprend : « chameau ».

C’est Robusse qui traduit en long ce que les télégrammes lui transmettent en court. Un mot en devient cent ; plus, s’il le faut. Il possède dans la tête les accessoires qui font bien : drapeaux en berne, drapeaux au vent, temps magnifique pour les fêtes, brouillard pour les deuils, sourire entendu du diplomate, assemblée nombreuse, foules en délire, applaudissements sur tous les bancs. Il trouve aussi des mots. À soleil, il préfère Phébus, ce qui flatte le lecteur ; ou l’astre rayonnant du jour, ce qui remplit une demi-ligne. Les aviateurs deviennent les Rois de l’air, comme les cyclistes les Rois de la route.

— Mais pourquoi, Robusse ?

— Peuh ! ça fait bien.