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Un pantalon usé, des sabots, des cheveux qui s’en fichent.

Pour vivre, j’élevais des poules. Je leur préférais mes chiens ou mes chats — qui n’étaient pas « pour vivre ».

Quand des visiteurs m’agaçaient, j’étais libre ; je disais :

— Ces gens m’agacent.

Je conversais avec mes amis, les paysans ; plus volontiers, avec les sapins, leurs frères, dont les manteaux avaient de si beaux trous sous le soleil.

Je lisais l’Imitation où « tout le reste est vain ».

Y avait-il des villes, des hommes qui se bousculent, des femmes qui s’envient, des métros dont la bouche a la mauvaise haleine ?

Je passais sur une route. Je pensais : « Elle est ma route ». J’aurais pu nommer chaque pierre ; je savais dans quel creux le printemps pousserait son premier doigt de verdure, quels fossés le premier gel mettrait d’abord sous verre.

J’étais sûr que je reverrais, un matin, la fourmi pour laquelle j’avais détourné ma brouette