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tous les jours, et beaucoup. Depuis le temps, le gratte-papier de l’Agence ne se met plus en peine. Un noyé s’appelle un macchabée ; le blessé gît dans une mare de sang ; le suicidé tient son revolver dans une main qui se crispe ; et le passant, surpris par une automobile, a de la chance si on ne le transporte pas à l’hôpital, où il expire peu après, malgré les meilleurs soins, dans des douleurs atroces.

Les premiers jours, Cédron s’est dit :

— C’est idiot ! Je vais arranger cela.

Il a arrangé.

Mais bientôt, il a été submergé. Sauf le macchabée par trop cynique, le blessé qu’on ramasse gît dans sa mare de sang, le suicidé tient son revolver dans une main qui se crispe, et si quelque jour — à Dieu ne plaise — Cédron est attrapé par une automobile, il est presque certain qu’on le mènera à l’hôpital où, suivant la formule, il mourra peu après, malgré les meilleurs soins, dans des douleurs atroces.

Un jour, dans la rue, avec une barre de fer, un homme assomme un passant. On l’arrête, on l’identifie : c’est un ancien aliéné, fraîchement relâché de l’asile. Les patrons s’emparent du fait et, dans leur éditorial, réclament la tête du docteur qui a signé le permis de sortie.

Une année se passe. Un jour, dans la rue, avec une barre de fer, un homme assomme un passant. On l’arrête, on l’identifie : c’est un ancien aliéné, fraîchement relâché de l’asile.

Fort de l’avis des patrons, Cédron corse sa copie de quelques lignes empruntées à la leur.