Page:Baillon - Moi quelque part, 1920.djvu/99

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais que pris au dépourvu, je n’aie pas le temps de filer, farouche, sans un mot, je me retranche derrière Marie et les fusille avec mes yeux.

— Va donc, souffle Marie, faire un petit tour à la grange.

Cet ami, que je n’aime guère, croit se faire bien venir parce qu’il apporte du veau. Je file à la grange :

— Nom de nom, qu’on lui prépare son veau ; qu’il mange son veau ! Pour nous du lard et sacré nom, qu’il s’en aille…

Et cela s’arrange comme je l’ai dit.

Séparateur
Mon oncle… Ma tante…


Ce sont des parents d’Anvers, bien riches, bien assis dans leur égoïsme. Ils se décident un matin, parce qu’en ville on étouffe et qu’alors, il est agréable d’avoir un original de neveu qui élève des poules à la campagne.

Ils arrivent à la bonne franquette, sans prévenir : lui en flanelle, un sac de photographe sur le dos, la tante en brouillard de dentelles, tous deux avec des cannes, des pliants, des ombrelles et cependant les mains vides.

— Nous resterons jusqu’au soir, a dit l’oncle, nous avons le temps.

Habitués au plâtre de leur plafond, ils ont compté les toiles d’araignées sur le mien qui est en planches ; ils ont ri devant notre lit : « un grabat », a murmuré ma tante ; ils ont blâmé mes poules, dénigré mes chiens et poussé des exclamations parce qu’au lieu de bottines, nous portions des sabots.

— C’est curieux, a dit ma tante, comme le sable de la Campine donne aussi de la poussière.

— Je parie, a dit l’oncle, qu’en visant bien, je pisserais par-dessus votre baraque.