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Mais le bloc est solide et ça braille.

— Voyons, Dodore ! Dodore !

La famille au complet entoure Dodore, s’apitoie sur Dodore, torche Dodore qui, la bouche pleine de sable, ne veut rien savoir, lance des coups de pied et finalement fait signe qu’il va dire ce qu’il faudrait pour qu’il n’y ait plus de bobo à Dodore.

— Moi, veux une toule, déclare Dodore.

— Une toule, bravo, une toule !

— Mais oui, mon petit, dit la mère, tu auras ta toule. Le paysan va t’en donner une, n’est-ce pas, Monsieur ?

Évidemment, si le paysan se tient là sur son seuil, c’est pour distribuer ses toules aux Dodore. Je ne réponds rien quand même.

Le père sait comment on s’adresse à un rustre. Il met d’abord son chapeau :

— Dites donc, mon brave, elles sont à vous toutes ces poules ?… Vous en avez bien cent… ou mille… Ça, c’est extraordinaire… Extra-ordinaire, crie-t-il plus fort parce que je pourrais être sourd.

Le pauvre homme ! Il est là tout près. Il a une petite entaille de rasoir sur la joue gauche ; sa chaîne d’or est fausse ; au dernier moment sa femme a refermé avec du fil un accroc à sa chemise… Je serre les lèvres, comme cet accroc.

— Et des coqs, Monsieur, intervient la jeune fille. Vous en avez beaucoup de coqs ?

Elle est gentille, cette petite. Le nez qui lève, la jupe mi-longue, je lâcherais volontiers une cochonnerie à travers sa figure de vierge. Mais je veux rester convenable. Le sourire niais, je soulève un peu la cuisse et ce n’est pas ma chaise qui craque.

Ils ont compris. Le père lève sa canne qu’on s’en va, Maman se remet à mousser, les enfants ont vu d’autres fleurs, Dodore qui réclame sa toule, attrape une gifle.

… Par delà les sapins, je revois les bras en chemise de Frantz lancer des boules…

Ceux-ci veulent savoir :

— Vos poules, que mangent-elles ?