Page:Baillon - Moi quelque part, 1920.djvu/95

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


PASSANTS

Séparateur




Un dimanche du mois d’août, immobile : des champs de seigle bien mûr, le ciel bleu, la bruyère violette. Il semble, parce que c’est dimanche, que les abeilles bourdonnent plus fort qu’un autre jour.

Ma chaise sur le seuil, je me repose.

À l’auberge, de l’autre côté de la route, Frantz, l’artilleur, est revenu pour la moisson ; il joue aux quilles avec ses frères. Trop loin pour l’entendre, je distingue entre les sapins ses jambes blanches de soldat et ses bras en chemise.

Tout à coup, un grand vacarme sur la chaussée : c’est le tram de 3 heures qui a déversé sur la chaussée ses promeneurs du dimanche. Ils débouchent d’entre les sapinières et voilà le paysage qui se gâte.

Ils sont venus à la campagne pour s’amuser et ils s’amusent. De ma porte, je les vois lancer des pierres à la vache rousse de Nelis, escalader sa haie et pour trois fleurs piétiner le beau carré de trèfles dont il est si fier. Tantôt, ils apercevront ma ferme et feront un crochet pour regarder de plus près cet enclos où il y a tant de poules !

Là ! qu’est-ce que je disais ?

Papa ouvre la marche, pantalon clair, gilet déboutonné, agitant sa canne, beaucoup trop fier pour ne pas être un commis trembleur qui se rattrape le dimanche devant les siens. Maman, qui est très grosse, le suit à distance, dondonnant comme elle