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— Tant que tu veux, Marie, mais si tu avais rentré Spitz plus tôt…

Je m’arrête à temps : c’est moi qui rentre Spitz tous les soirs ; et je laisse Marie réfléchir, car ses conseils sont bons.

— Écoute, dit-elle, des nomades ont passé, il n’y a pas longtemps. Ils ne doivent pas être loin. Ces gens-là, tu sais, ont toujours besoin de chiens.

— Juste, Marie, ce que je pensais. Je les ai vus. Je cours les rattraper et s’ils ont pris Spitz, gare !

Je suis déjà sur la route, je tourne à gauche.

— Pas par là, crie Marie. Ils sont allés à droite.

— Mais oui… je sais bien.

Et quand elle ne peut plus me voir, je tourne par où elle m’a dit.

Sous les arbres, la chaussée s’est faite toute noire, exprès, et le vent dans la pluie cherche à souffler ma lanterne. Comment distinguer une roulotte là dedans ? Heureusement que je la connais, cette garce de route.

Fox m’accompagne. Je l’ai pris pour qu’il m’aide, je l’excite :

— Cherche, Fox, cherche.

Mais que faire avec des imbéciles de cette trempe. Il ne comprend pas et tantôt me ramène une brindille, tantôt plus bêtement une pierre. Ah ! si c’était Spitz !… et vlan ! un coup de pied, puisqu’il n’est pas Spitz.

Par moment, j’appelle :

— Spitz !… Spitz…

Pas trop fort pourtant, car les autres pourraient m’entendre et il ne faut pas qu’on sache.

Devant sa maison, Benooi a reconnu ma lanterne :

— Hé ! Monsieur.

De quoi se mêle-t-il, ce paysan ? Je ne réponds pas.

— Hé ! Monsieur. Vous faites une promenade ?

— Oui, dis-je, très rogue, il fait beau.

— Vous trouvez ? Mais il pleut.

— Beau quand même, Benooi.

Puis, je me radoucis.