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— Nom de Dieu !

Furieux contre la propriétaire, j’empoigne son idiot de fil, je le secoue comme si c’était elle et, du premier coup, fais sauter trois poteaux qu’il avait fallu force maillets pour enfoncer dans le sable.

— Je ne te croyais pas si fort, dit Marie qui n’ose pas rire.

Journaux.

Je ne sais pourquoi cet ami s’obstine à m’envoyer régulièrement ses journaux. Avec ma permission, pour ne pas allonger sa route, le facteur me les apporte en bloc, une fois la semaine, le samedi. Cela représente beaucoup de papier. Pour ce que nous en faisons, il y en a trop.

Mon ami m’écrit :

— Avez-vous lu l’article d’un Tel, je l’ai marqué au crayon.

J’ai répondu de confiance :

— Admirable.

Il paraît que ce n’était pas cela.

Pour faire œuvre pie, Marie s’est abonnée au Messager de la Vierge, une petite feuille rédigée par des Pères. Le Messager paraît tous les dimanches et rapporte à bon compte un peu de lecture et beaucoup d’indulgences. On y trouve en flamand, l’évangile du jour, la vie d’un saint, des demandes de prières, des mots d’esprit, une histoire édifiante dont on suit, sans alarmes, les péripéties, d’une semaine à l’autre.

C’est une congréganiste, Cordula, la fille du boulanger, qui nous l’apporte, après le salut de 3 heures. Elle a seize ans ; elle est jolie.

De loin, je guette son corsage clair entre les champs. Quand elle arrive, comme par hasard, je suis sur le seuil.

Je n’accepte jamais son papier.

— Marie, dis-je vers la porte, voilà ton journal.

Marie ne vient pas tout de suite. Ainsi quelques instants nous sommes seuls à l’attendre, elle gênée, moi sournois.

Grande, sans corset, elle a des cheveux blonds, une bouche