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de cage où j’emprisonne les mères poules qui sinon vagabonderaient trop loin avec leur famille. Grosse besogne : scier des planches, ajuster des lattes, ouvrir sur le côté une petite porte pour introduire la bête. Ces minuties m’énervent d’avance. Marie me dit :

— Eh bien, ne vas-tu pas faire une promenade ?

Je pourrais en effet faire une promenade. Je détache Spitz et nous allons soit à la mare où il aime à nager, soit dans la bruyère où vogue l’ombre des nuages.

À notre retour les « mues » sont achevées, les portes fonctionnent, il ne reste à planter qu’un dernier clou. Marie me passe le marteau et je frappe.

Le soir, je dis à Benooi :

— Venez donc voir les belles mues que j’ai faites.

J’abats de cette façon beaucoup de besogne.

Trois fois le jour, je rafraîchis la boisson de mes poules. Je vais jusqu’au bout du jardin, je vais jusqu’au bout du bois, je vais jusqu’au bout de la bruyère. Je regarde mes bêtes manger. Je vérifie à la couleur des crêtes, celles qui sont en ponte et celles qui ne le sont pas. Je récolte les œufs, je les compte, je les recompte. Je fais de hautes flambées dans l’âtre. Je laisse déborder la bouilloire parce qu’après il est gai de souffler dans les cendres. J’analyse, jusqu’à la moindre nuance, la palette du couchant. Le soir, je verrouille les étables, je caresse mes poussins, je converse avec ceux qui me répondent. J’installe Spitz dans sa paille, Fox dans ses plumes. Je me couche : je suis très fatigué.

Je fais encore autre chose.

Quand Benooi apporte les sacs de graines pour mes poules, je monte devant lui au grenier ouvrir la trappe et, pendant qu’il geint sous ses cent kilos, je dis : « Ça va, Benooi ? »

Sur le derrière de ma maison, j’ai cloué un banc, d’où je vois à la fois, le ciel, la bruyère et mes poules.

La bruyère est rose ou verte ou bien de bronze, le ciel un peu mauve, mes poules éternellement blanches.

Il y a parfois des abeilles à ras des fleurs, de singuliers petits