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— C’est sa nièce, dit Benooi, dont la figure tout à coup devient un morceau de bois.

— Et le petit garçon, Benooi ?

Car l’abbé se réserve, également pour le service, un petit garçon grassouillet, dont les reins comme ceux de la servante sont bien rebondis.

Pour dix francs, chez les Baerkaelens, l’abbé s’est procuré deux bécanes qu’un couple anversois leur avait laissées en gage. À cause de la soutane, il a gardé pour lui la bicyclette de la dame. L’autre, qui est grande, sert à la bonne quand elle se rend au village. Il l’accompagne quelquefois. Les mollets découverts, la servante file grand train. Rouge, le tricorne dans la nuque, la soutane pleine de vent, l’abbé zigzague au loin, en détresse, derrière elle.

— Un jour, chez un brocanteur de la ville, l’abbé découvre une auto, la trouve à son goût et, la machine étant un peu vieille, se décide à la ramener lui-même sur un camion. Ce fut un gros émoi au village : la charge était lourde. On ne reconnut pas d’abord ce charretier qui s’était déguisé en prêtre et tapait sur ses bêtes en leur lançant des « Nom de Dieu… »

C’était une antique guimbarde, haute sur patte, dont le moteur semblait loger l’âme rétive de Rossinante.

À force de limes et de marteaux, il en fait quelque chose qui bouge.

Tout à coup sur la chaussée à cent mètres, j’entends une fusillade, puis un grand ballottement de ferrailles. C’est l’auto de l’abbé qui arrive. Je la saluerai, tout à l’heure, au passage. Mais rien ne presse. Je puis flâner, finir cette lettre, bourrer ma pipe, quand je viens sur ma porte, il est toujours trop tôt.

L’abbé aimait le canotage. Il avait découvert une barque et pour ne pas ramer, y avait adapté une hélice avec le moteur de son auto. Cela marchait très bien.

Un jour, avec sa bonne, comme il voguait sur un canal, aux environs de la Hollande, les douaniers se méfièrent.