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Après le dîner Vader se met au lit et fait sa sieste. Sa chambre n’a qu’une issue : sur la salle de l’auberge. À son réveil on peut le voir entrer par une porte, sortir par une autre, tenant son vase qu’il veut vider lui-même.

Automate d’une horloge, il montre ainsi qu’il est 2 heures.

Benooi.

Le dimanche soir en hiver, Benooi frappe à notre porte et vient nous tenir compagnie. Quand il n’y a pas de lune, il en amène un peu dans sa lanterne. Il la souffle en entrant.

— Bonsoir à tous deux, dit Benooi.

Sans autre façon, il enlève son manteau, retire ses sabots, glisse les pieds bien au chaud dans le four de la cuisinière. Quand ses chaussettes fument, il trouve tout naturel de les tirer. Il arrive que ses pieds soient assez propres. Il chipote ses cors :

— Ils sont durs, dit-il.

Il nous faut les tâter. Pour peu, il nous inviterait à lui montrer les nôtres. Ainsi à trois autour du feu, Benooi qui se grille les pieds, Marie qui aime la société, et moi que celle de Benooi ne dérange guère, nous faisons la causette. Si nous ne trouvons rien à dire, sans nous creuser la cervelle, nous nous taisons.

— Vous soupez avec nous, n’est-ce pas, Benooi ?

— Ça dépend, dit Benooi, qu’est-ce qu’il y a ?

Si je disais : « des tartines, » Benooi aurait juste fini de souper.

— Du riz au lait, Benooi.

— Bon ça, fait Benooi.

Vite dans ses sabots, il est le premier à table.

Ni Fons ni Benooi ne portent la moustache. Rasé de frais, si son costume allait mieux, Benooi aurait assez bien l’air d’un Anglais très maigre.

Peut-être bien qu’il se serait marié, si la chose s’était trouvée ainsi, mais il avait déjà sa sœur : une femme, c’est assez dans un ménage.

Resté chaste, Benooi est devenu gourmand.

— Sucrez votre café, Benooi.