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— Elle a dansé avec Fritz le braconnier qui en son temps canarda deux gendarmes :

— On lui a coupé la tête : j’en rêve encore.

Je ne lui demande pas, comme aux centenaires de la ville, ce qu’elle pense de Napoléon. Je suppose qu’elle s’en moque.

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Les Baerkaelens


Comme leur nom, ils sont bien de leur pays.

Ils tiennent une auberge. L’enseigne dit : À mi-chemin, parce qu’on est toujours à mi-chemin de quelque chose. C’est en plein champ, à ras de la chaussée, près de la route qui mène au couvent des Trappistes. Le train s’arrête en face.

La première fois que j’y buvais ma chope : « Qu’on le surveille, » ont-ils dit. Ils se méfiaient de ce monsieur. À présent qu’un étranger survienne et qu’ils aient à faire, ils me le confient d’un clin d’œil. Nous sommes amis.

J’ai cru d’abord que le grand gaillard qu’on appelait Fons était le père ; celle qu’on appelait Mélanie, sa femme ; et Benooi, un long maigre, leur enfant. En réalité, ils sont frères et sœur, presque du même âge, tous trois célibataires.

Il y a encore le père Baerkaelens, mais il est un peu vieux pour qu’on en tienne compte. On le respecte autant que la patraque d’horloge qui depuis longtemps oublie de marquer l’heure ; mais il n’a pas plus d’importance.

Sa seule mission semble d’empêcher ses enfants de vivre de leurs rentes. Ils sont riches ; à trois, ils ont bien cinquante mille francs.

— Quand le père sera mort, dit Benooi, nous bâtirons une petite ferme et nous vivrons à notre aise avec une seule vache.

— Et pourquoi pas dès à présent ?

— Ah ! voilà.

Ce serait sans doute trop long à expliquer.

En attendant, ils triment comme des pauvres. Ils ont sept