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MES VOISINS

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Ils ne sont pas gênants, ils ne sont pas tout le jour à me casser leur piano dans les oreilles.

Pour les découvrir, il faut que je monte au grenier et pousse la tête à la lucarne. Cette fumée là-bas, par-dessus les sapins, c’est François le Boiteux qui souffle dans son âtre. Cette tache de rouge entre les seigles, c’est la grange où Pélagie élève ses volailles. Et derrière ce bouquet de chênes, ce quelque chose de brun qui sort d’entre les branches, puis y replonge, il m’a fallu regarder longtemps avant de comprendre que c’était le moulin d’Isidore qui faisait tourner ses ailes.

Phrasie, ma propriétaire, est ma voisine la plus proche. Son toit émerge à gauche, là où la bruyère fait le gros dos. Que je me rende chez elle en coup de tête, furieux pour une serrure qui grince, ma colère a le temps de réfléchir en route. Je pensais crier, je dis : « Bonjour, Phrasie, » et je passe.

Les autres, je sais qu’ils habitent quelque part, au delà des marais, des sapins, ou des champs. Je les vois le dimanche avant la messe, quelquefois en semaine, au milieu de leurs terres.

— Vous coupez du seigle, dis-je, lorsqu’ils coupent du seigle.

Nous causons. Quand il pleut et qu’il a fait sec, nous constatons : « Quelle bonne petite pluie ! » Au moment de semer, si le soleil tarde, nous souhaitons qu’il se hâte.

Mais nous ne calomnions pas le temps, à tort et à travers.