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n’appartient plus au monde que par ses vêtements qui s’éraillent aussi.

Et cela même disparaît.

Un jour, plus de veste, plus de col blanc, plus de jeune gars.

À leur place un froc brun, une longue barbe, une tête rase : un moine, — un cadavre parmi les autres.

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Leur règle


C’est fête aujourd’hui chez les Trappistes. Au déjeuner, après quatre mois d’abstinence, chaque religieux trouvera dans sa miche une pincée de corinthes, et au lieu de deux, l’office durera trois heures.

— Benooi, ne trouvez-vous pas, père Anselme a le ventre bien gros ?

— Pas étonnant, dit Benooi, toujours des légumes, ça vous gonfle.

— Et père Hermann, comme il est maigre !

— Pas étonnant, dit Benooi, toujours des légumes, ça dessèche.

Je dis à Benooi :

— En somme, leur règle est accommodante. Voyez père Anselme. Il ne fume pas au couvent, mais dehors il se rattrape. Les autres aussi.

— Essayez, dit Benooi.

J’essaie. Je ne fume plus que dehors. Mais j’ai beau être libre, sortir à ma guise et plus souvent qu’un Trappiste, c’est tellement dur que je préfère ne plus fumer du tout.

Les frères, eux, ne fument jamais. Mais ils prisent. À la chapelle, tandis qu’ils ne bougent pas dans leur stalle, il faut quelquefois s’abstraire bien fort pour ne pas dire que ces cadavres empestent rudement le tabac.