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avec les heures, mais vous êtes libre. Vous aurez une chambre, un lit pas trop dur, des légumes comme les pères, avec des œufs et du lait en plus, si ce qu’ils mangent ne vous suffit pas.

Au moment de partir, aucun maître d’hôtel ne s’enquerra si Monsieur a été satisfait du service et on ne présente pas la note. Ce que vous pourriez donner, ce sera pour les pauvres.

Un jour des peintres sont venus, à plusieurs, en veston de velours, avec des barbiches, beaucoup de gueule, en vrais artistes. Évidemment, s’ils daignaient se goberger à l’œil, c’était pour se distraire, casser des assiettes, mener grand bruit, se moquer, au nom de l’Art, de ces hommes qui n’auraient pas su foutre du mauve dans un paysage.

La noce dura huit jours ; après quoi ils s’en allèrent, artistes plus que jamais, n’ayant rien compris de la Beauté de ces moines, qui n’entendirent même pas leur vacarme.

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Quelques-uns


Leur second manteau enlevé, les Trappistes se transforment : ce sont encore des moines, mais ce ne sont plus des morts.

Les frères travaillent dans les champs ; ils retroussent leur froc et l’on voit alors qu’ils ont des jambes, de grossiers pilons en sabots, entortillés de bandelettes, qui sont des bas.

Les pères ont des bas blancs, des chaussures noires, quelques-uns des sandales, comme nous des pantoufles.

Ils se promènent quelquefois autour de leur couvent, sous les allées de chênes. Mi-blancs, mi-noirs, on dirait des oiseaux.

Peu sauvages, ils se laissent approcher. On leur tend une parole, aussitôt ils répondent.

L’Économe.

Presque tous les jours, père Anselme doit aller en voyage. Il n’aime pas beaucoup cette façon d’être moine.