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LES GRANDES AVENTURES

À Monsieur et Madame Raoul Ruttiens.
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Le fusil


Fons, qui s’y entend, me l’a choisi. Il a fait tout exprès le voyage jusqu’en ville.

C’est une vieille arme de soldat, simplifiée à l’usage des braconniers : une gâchette que l’on ouvre, une cartouche qu’on y glisse, la gâchette qu’on referme et pan ! si l’on vise bien, vous mangez du civet.

Sa crosse est lourde. Quand on tire, elle vous décroche un coup de poing dans l’épaule : on file en arrière, on ferme les yeux, honteux de tout ce bruit.

Il ne sert pas. Contre qui ? Les bêtes ? Elles ne sont pas mauvaises. À la chasse, quand j’accompagne Fons en traqueur, c’est pour découvrir des bruyères. Mon gourdin, qui fouille les buissons, n’a jamais dérangé un seul lièvre. Quant aux hommes… mieux vaut les oublier.

Accroché au-dessus de l’âtre, mon fusil annonce à ceux qui entrent : « Prenez garde, il y a un fusil dans la maison. » Le vagabond, qui serait dangereux, peut le voir. C’est un peu comme pour Spitz : il impressionne. Et puis une arme, ça fait bien sur ma cheminée, entre mon Christ et mes assiettes à fleurs.

Une seule fois, je m’en suis servi.

Un camarade était venu, des premiers, voir comment se