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Et confidentiellement, dans un coin :

— Mon cher, je ne comprends pas qu’avec votre éducation… tandis que sa femme occupait la mienne avec les belles robes que portent les dames dont les maris consentent à être comme tout le monde, et la faisait pleurer.

Néanmoins, ils se sont bien amusés.

À midi :

— Quels œufs, maman ! a savouré l’oncle, et ce pain, si notre boulanger en faisait du pareil !

Et puis, il y avait une de ces poulardes, goûtant bien la merde, comme les gens de la ville les adorent.

Après, ils ont fait leur petit tour de campagne. Ombrelles, pliants, sacs, leur bagage au complet sur le dos du neveu, ils ont voulu tout voir. Ils se sont fait mener autour du couvent des Trappistes, ils ont traversé la Grande Bruyère, poussé plus loin jusqu’aux mares « dont l’ensemble, a déclaré l’oncle, formait un paysage vraiment admirable ».

Au retour, chacun suivant son goût, ma tante a gâché aux moineaux un de ces pains de campagne qui eût été si bon pour mes poules, l’oncle photographié ma bicoque, par devant, par derrière, sur le côté, avec sa femme, sans sa femme, avec mes bêtes, sans mes bêtes — en vrai artiste. Avec cela un temps superbe, un peu trop chaud peut-être, mais aéré de soudains coups de vent, qui promenaient à ras du sol de petits moulinets de poussière — vraiment jolis, disait ma tante.

Bref, ils ont passé une de ces journées ! Et maintenant encore, cette omelette qu’on leur cuisine pour le départ, hum ! elle sent bon, cette omelette…

Je fais un clin d’œil à Marie et vais jusqu’à la porte voir où en sont les nuages qui commençaient tout à l’heure à pousser leurs têtes rousses. Elles ont grossi, ces têtes, à se toucher, et de rousses, elles sont devenues noires.

— Je crois, dis-je en rentrant, que nous allons avoir un fameux petit orage.

— De l’orage, fait ma tante, pourquoi aurions-nous de l’orage ? Il a fait si beau.

— Précisément, ma tante, c’est pour ça.