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— Pourquoi, petit ?

— J’aime cela, maman.

Il n’en fallut pas davantage. Papa blâma mes goûts dépravés. Comment expliquer que ce gaz, cette viande portaient en eux la mort subite qui jette une âme aux pieds de son juge ?

Le soir, je priais. J’avais commencé par un Ave pour papa, un Ave pour maman, un Ave pour mon curé. Suivant les circonstances, j’en ajoutais. Cela formait une série d’Ave, que je devais réciter en pesant le sens de chaque mot. J’eusse voulu aimer Dieu. Sacrilège, je ne pouvais que le craindre. Ma prière finie, comme au temps du catéchisme, je regardais sous mon lit. J’avais commencé par peur, ce devint une habitude, bientôt une obligation. M’y dérober eût été un péché de plus.

Mes vœux : autre cause de péché. Je me disais : « Je vais faire un bon devoir. » Une seule faute, je ratais mon vœu. Dans la rue, je pensais : « Je vais dépasser ce Monsieur… je ne me laisserai pas dépasser par cette voiture. » À cause de ce vœu, je filais en plein galop. Impossible de faire un projet sans tomber dans un vœu. Et d’ailleurs, avec mes vœux, avec mes craintes de péché, qu’est-ce qui prouvait que j’avais été baptisé ? Maman m’affirmait que oui. Mais elle n’avait pas la