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Nelly avait toutes les bonnes choses qui garnissent la femme pour que les hommes y soient bien. Elle était assez grasse de partout et c’était bon, car à ne manger que l’ordinaire de sa gamelle, le soldat aime à trouver sur la femme un peu plus de gras que dans sa soupe.

Les braillards apaisés, elle rejoignait le camarade du moment. Elle entamait un bout de causette. Allait-il à la messe ? Et ses parents, ne les oubliait-il pas ? Et puis elle savait coudre :

— Attends, mon petit, il y a à ta culotte un point qu’il faut que je t’arrange.

Ils s’en allaient contents, les yeux astiqués de joie, aussi brillants que leurs boutons.

Elle faisait cela depuis deux ans. Un mois d’octobre, il vint une recrue. On ne peut pas dire qu’il louchât puisqu’on l’avait jugé bon pour le service. Pourtant, ses yeux, quand l’un vous regardait, l’autre avait l’air de dire : « Moi, vous savez, je m’intéresse au plafond… »

Il arrivait de la campagne. Pendant le temps qu’il resta près de Nelly, il parut triste. Il prit aussi une tartine. Au moment de partir, il n’eut pas d’argent. Elle dit, comme elle le disait toujours :

— Ne t’inquiète pas, petit ; donne-moi ton