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Pauvre Nounouche ! Elle était si naïve et si bonne ! Je finis par plaisanter.

Un peu plus tard, ce fut la guerre en plein. Quelquefois des amis venaient. On causait un peu. Comme on avait déjà tant de choses tristes à se dire, je leur racontais l’histoire de Ma Nounouche qui avait pris en provision deux kilos de cannelle. Cela les égayait un peu.

— Vraiment, deux kilos, madame ?

— Oui, je croyais bien faire…

Et l’on riait !

Le temps passa. Un mois, deux mois, sept mois. Cette guerre qui n’en devait durer que six, durait toujours. Au bout de la première année, nous eûmes consommé le jambon, mangé les sardines, avalé l’huile, entamé les haricots. Quant à la cannelle, « le petit fond qui se trouvait dans la boîte de la cuisine, avait suffi.

La seconde année :

— J’entame la cannelle, annonça Ma Nounouche.

— Bien, bien, Ma Nounouche.

La troisième année… Tout cela semble lointain, à présent. La troisième année, on n’eut presque plus de pain ; plus de viande ; plus de sucre ; plus de lait. Quant aux autres aliments,