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Au journal, même changement. Je l’avais quitté à ses débuts : des bureaux bohèmes, des patrons avenants, des rédacteurs assez enthousiastes de leur tâche pour se passer de discipline. Il y a des journaux comme cela. Je te le dis en passant, pour que tu n’ailles pas croire… Le progrès avait passé par là. De vastes locaux dorés que l’on balayait tous les jours, quatre rotatives, je ne sais combien de linotypes, des patrons devenus durs, et par réaction des collaborateurs traînant cette lassitude des bêtes et des gens qui ne travaillent plus pour être sûrs de ne pas travailler trop.

— C’est que maintenant, m’annonça le secrétaire, nous sommes devenus un organe de grande information.

Je crois qu’il osa me dire cela sans rire.

J’eus quelque peine à me mettre au pas. Mais enfin, deux ans dans les bruyères à contempler les nuages qui sont si grands quand les hommes sont si petits, voilà qui vous donne une bonne dose de philosophie et de mépris. »

Après cette tirade, mon ami attendit que je dise quelque chose. Je ne dis rien, car décidément il avait les yeux trop brillants.

— Tout cela, me dit-il, te semble un peu long.