Page:Baillon - Histoire d'une Marie, 2è édition, 1921.djvu/91

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un jour, à cause du brouillard, on ralluma dès midi les réverbères. On dit qu’il n’y a de ces brouillards qu’à Londres : ils sentent la cheminée, on tousse, ils sont roux, ils vous mettent au bout des cils on ne sait quelle eau sale. Le lendemain, à midi, ces réverbères brûlaient encore. Les dalles puaient : bleues, roses, couleur de fleur, les robes pourrissaient dans ces vapeurs d’automne. Les hommes passaient rauques : Go on !

Puis vint la pluie : de l’eau sur les jupes, de l’eau sur les pieds, de l’eau sur la figure. Avec cela, des larmes : Go on !

Elle avait un chapeau à panache, autrefois fier comme un panache, maintenant la queue d’une poule morte. Une voiture, un soir, lui cracha sur la robe une longue salive de boue. Cela ne partit pas. À la rue, on ne voyait que cette tache : Go on !

Vladimir disait :

— Qu’as-tu, petite, cela ne va pas ? Il faut prendre du courage.

La bague était allée où vont les bagues trop grosses pour les doigts à ne rien fiche du « petit homme ». L’eau de Cologne, mon Dieu, on s’en passait ; mais les cigarettes, les amis qui vous attendent avec leurs cartes !… Il ne grondait pas. Pis, il soupirait.

— Chéri, ne crois-tu pas que si j’avais une nouvelle robe ?…

Mais où l’acheter, cette robe ?

— Pas moyen, petite, d’ailleurs celle-ci est délicieuse.

Il arrangeait un pli, il arrangeait un nœud, il arrangeait surtout aux endroits où la chair est sensible.