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À quoi bon, d’ailleurs ? Vous êtes seule à marcher encore sur les pierres. Les fenêtres des clubs sont mortes. L’aube, qui refroidit les hommes, soulève dans le ciel sa paupière d’or qui vous nargue.

Restons quand même. Encore cette demi-heure… encore ce quart… encore ces cinq minutes : il viendra peut-être celui qui pour une aumône… pour rien… vous débarrassera de cette attente. Mais personne : des voitures qui se hâtent ; des hommes trop ivres ; le policier qui vous épie moins, pour une faute que vous ne pourriez plus commettre.

Alors, il faut bien que l’on s’en aille. On songe à sa chambre qui est loin, où il fera bon de s’étendre. Mais Vladimir et les mains vides ?… On va… Une… deux… trois… on compte les dalles. Cela aide à marcher… Une… deux… trois… les maisons… Un… deux… le passage plus lent des réverbères. On file par des ruelles obscures où des individus rôdent et vous interpellent maintenant. Ceux-là, on sait ce qu’ils valent et l’on fuit sans répondre, l’on se fait toute petite, les épaules rentrées pour que leur poing, ou pis, n’y trouve pas de place.

Enfin l’on reconnaît le parc, le jardin clos où l’on n’entre qu’en payant. Là haut, derrière la vitre, Vladimir vous attend… Non, il dort. « Eh bien, petite ? — Rien. » Et on se laisse tomber sur sa chaise, avec sa belle robe, son beau panache et, au fond de soi, quelque chose de ridicule qui vous est resté pour compte.