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— Turlu, turlu, turlu !

Au son du mirliton, voici un pâtre vert qui entre dans la salle. Puis : Oh ! tout ce monde qui s’écrasait là et semblait déjà fou ! On aurait dû venir plutôt. « Jamais je ne deviendrai si folle ! » On ne dansait pas ; on sautait. On sautait par couple ; on sautait par groupe ; ou, ce qui était plus gai, par longues chaînes en se tenant par la main. On s’embrassait beaucoup.

Elle regarda. Le bal est une fête qui vous entre longuement par les yeux. Tant de lumières ! On ne distingue pas d’abord : c’est une masse qui tourne, du rouge, du vert, du jaune, des étoffes qui brillent, des bras nus, des épaules, et, par-ci, par-là, à cause de sa teinte, une perruque, à cause de sa forme, un drôle de nez. Puis cela se sépare : on voit mieux : là bas cette femme tout entière avec sa jupe rouge et ses yeux noirs d’Espagnole ; et celui-là, chéri, sa figure en farine et ses lèvres de sang ; et celle-là, mais regarde donc ! on lui voit jusqu’en haut le rose de la jambe.

Sur l’estrade, on voit le chef d’orchestre ; on entend les violons plus moelleux que des voix, les violoncelles qui leur font la cour, la flûte qui rit, la clarinette qui chante malgré son rhume, et, par-dessus la bataille de la grosse caisse et des tambours, les autres instruments, de toutes leurs forces, avec leur gosier de cuivre. Cela forme de la musique, un air que l’on connaît. Et ainsi, après les yeux, le bal est une fête qui vous entre par les oreilles.

— Et maintenant, dit Vladimir, dansons.

Ils se prirent à la taille, tournèrent un instant sur place, et alors, dans ce bal, où tantôt