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on balbutie comme devant Hector, on… on sent que l’on aime comme on aimait Hector…

Celui-ci s’appelait Vladimir. Il habitait seul avec un divan, un lit et une armoire à glace. Une chambre de garçon, c’est bon parce qu’une femme peut, avec son amour, y laisser son bon ordre :

— Tu vois dans ce coin, je range tes chaussettes ; là, tes chemises. J’emporte celles-ci pour y faire un point.

Cela se passa dès le second dimanche.

Comme son nom, Vladimir arrivait de loin. Il racontait ses voyages. Il n’existe pas qu’Ostende où l’on a grandi, Bruxelles, qui est une jolie ville. Plus loin, on trouve Londres où c’est drôle, parce que tous les magasins sont fermés le dimanche ; ailleurs, Berlin, avec des soldats qui marchent haut les pattes, comme des chevaux savants ; ailleurs Paris, où des hommes, costumés en diable, vous donnent à boire, dans des têtes de mort.

Les yeux qui ont vu ces merveilles deviennent les plus beaux yeux du monde : elle regardait ces yeux.

Il lui montrait aussi Bruxelles. De sa cuisine d’où l’on voit les pieds, de sa mansarde, au-dessus des toits, on ne soupçonne pas Bruxelles, ni ses tavernes où l’on boit de la bière, ni ses bodegas où l’on savoure des vins sur les tonneaux, ni les concerts avec des chanteuses en jupes courtes pour mieux lever la jambe. Une fois, il la mena au théâtre : sur la scène, une femme pleurait parce qu’un sorcier, en redevenant jeune, lui avait fait un enfant ; un peu son histoire.