— Allons, faisait Marie, dis comme moi : Ma-man.
— Bfff… bfff…, répondait Yvonne.
Presque : « Maman ». Et les bulles qu’elle soufflait avec sa salive ! ses poings qu’elle ouvrait et fermait comme une grande personne ! et ces petits bouts de chair, l’un près de l’autre, si blancs, si délicats et pourtant des doigts !
— À moi ! À moi !
Ces belles choses, qui les avait faites ? Maman. Qui, les petons ? Maman. Et aussi le petit ventre ! Et aussi, sur la poitrine, ces deux mignonnes têtes d’épingles qui plus tard deviendraient de vrais seins : les seins d’Yvonne.
Parfois la petite pleurait. Tous les enfants pleurent, mais la voix d’Yvonne vous entre dans la chair, jusqu’au cœur.
— Dodo… dodo… chantonnait Marie.
Mais cela ne servait à rien. Pélagie devait intervenir ; elle tirait une calebasse… et quelle tristesse alors de rester là, inutile, la poitrine sèche, pendant que votre enfant se console avec le lait d’une autre !
Un dimanche, dans sa berce, Yvonne ne dormait pas. On ne peut pas dire cependant qu’elle fût éveillée : les yeux fermés, elle avait dans les jambes et les bras de vilaines secousses, des mouvements faux comme si, de l’intérieur, on les avait tirés avec des ficelles. À diverses reprises, elle vomit quelque chose de blanc, ce qu’elle n’aurait pas dû faire, puisqu’elle n’avait pas mangé.
— Ce sont les dents, affirma Pélagie.
— Ah ! oui, les dents.