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ne se cousent qu’un seul jour à la fois. Un de ces jours, tu serais sortie et cette Germaine Lévine, que tu souhaitais tant ne pas voir, tu l’aurais vue et Henry qui marchait avec elle.

Pour la seconde fois, tu aurais compris : il n’est pas donné à tout le monde de devenir méchante. Tu n’aurais pas eu besoin de consulter un homme de loi. Tu te serais dit :

— Soit, je vais coudre des chemises.

Peut-être bien, en commençant, tu aurais eu beaucoup de peine. Tu n’aurais plus voulu vivre dans les chambres où tu vivais. Tu en aurais cherché autre part, où l’on ne te connaissait pas. Tu aurais expliqué à ces gens : « Ne vous étonnez pas, j’ai un mari qui voyage ; vous ne le verrez pas souvent. »

Tes meubles installés, tu aurais mis en bonne place le portrait d’Henry, pour qu’il fût bien entre les roses. Pourquoi pas ?… Il aurait fait si propre qu’on aurait dit : « Comme il fait beau chez vous ! »

Chez les autres, il paraît, c’est de règle : quand on se sépare, on se déteste. Toi, tu n’aurais pas pu. Tu t’en serais excusée : « Le méchant gosse, quelque jour cette femme lui fera de la peine, que deviendrait-il, s’il ne me trouvait pas ? » Tu l’aimerais. Lui aussi. Vous seriez, tous les deux, des gens bien difficiles à comprendre. Comment, en effet, expliquer qu’un jour il t’eût dit : « Tout un mois, sans maman, c’est un peu triste, je viendrai toutes les semaines. »

Chaque fois, tu aurais une surprise. À changer de femme, il aurait déjà coupé ses moustaches. Par contre, ses cheveux auraient poussé : « Parce que je récris », aurait-il dit. Ce qu’on verrait