Page:Baillon - Histoire d'une Marie, 2è édition, 1921.djvu/262

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il l’aimait autrement, un peu comme une Marie, dont un soir, sur une place, au milieu de la pluie, avec du bleu dans les yeux, quelqu’un vous a dit : « Je vous ordonne de retourner chez votre femme. » Quand elle demandait : « Dis-moi, est-ce que, vraiment là, tu m’aimes ? » Oui, là vraiment, il l’aimait. Mais en disant : « oui », comme s’il gardait pour lui un morceau de sa pensée, il réfléchissait : «… et pourtant oui, je t’aime… »

— Ce qu’il me faudrait, vois-tu…

Il appelait cela une amie intellectuelle.

— Je sais, disait Marie, une Germaine Lévine.

— Ah oui !…

Il attendait… Et vous voyez ! Mais, à bien compter, du 13 décembre à ce nouveau décembre, il s’était passé presque une année, exactement trois cent quarante-cinq jours. Des jours où l’on s’énerve ; des jours, parfois, où l’on se désespère ; des nuits aussi… Ce jour-là, dans cette rue, on aurait bien fait de lui dire : « Attention ! ta canne, ton chapeau : voilà Germaine Lévine. » La rue tournait court : il retint mal sa canne, il ne trouva pas son chapeau, il resta là, tout bête, avec sa bouche qui faisait : « Oh ! »

Trois cent quarante-cinq jours ! Il dit :

— Madame, si vous saviez comme j’ai souffert hier.

— Hier, Monsieur Boulant ?

— Oui, Madame, hier, ou avant-hier, en ne vous trouvant plus.

Il montra sa bague.

— Mon cœur saignait, je crois. J’ai vu cette bague : un peu de mon sang à cause de vous.

Il sourit, car il pensait à la date. Elle demanda :