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allait mourir ; elle venait par pitié ; elle lui donnait la main, il mourait ainsi et c’était doux, plus doux que tout, meilleur que vivre !

Le lendemain, au journal :

— Pas de lettre ?

— Non, pas de lettre.

Au lit, il pensa : « Ce que j’ai rêvé hier était bête : je vais rêver autre chose. » Elle avait dit « non », mais cela ne faisait rien. Il était peintre ; il travaillait dans une tour. Rien que des portraits d’après elle. Celui qu’il achevait était un grand chef-d’œuvre. Elle venait. Elle disait : « C’est bien. »

Les autres jours :

— Pas de lettre ?

— Non, pas de lettre.

Il s’arrangea de la sorte cinq rêves, un par jour sans lettre. Et vous voyez, il avait donné de bonnes preuves. Le sixième jour, il vint une lettre. Soit, elle ne prétendait pas nier l’amour ; mais l’amour… l’art est bien meilleur. Et puis, elle avait une petite fille… et puis… D’ailleurs, elle ne voulait pas.

Il n’eut pas le courage d’une lettre. Il ne dit rien à Marie. Il trouva pour s’occuper tous ses rêves. Elle avait dit « non », mais ce n’était plus un rêve.

Le lendemain, au journal, de quoi parla-t-on ? Il relut sa lettre. Elle se terminait par une belle phrase : « Hélas ! vous le voyez je ne puis plus grand’chose pour vous. »

Elle disait « Hélas ! » Même en refusant : « hélas ! » « Mademoiselle, comme vous êtes bonne ! » D’ailleurs, à ne rien pouvoir, elle pouvait tout pour lui. Une Germaine Lévine, parce