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Henry sifflait. À ce sifflet, évidemment, elle ne portait pas un monde, mais elle l’eût tenu, qu’elle l’eût lâché. Elle attrapait une tasse. Vous dites : « Un œuf, du sucre, par là-dessus du lait, cela fait un lait de poule. » Oui, mais cet œuf, il est frais du matin ; ce lait, voyez comme je le verse ; j’y mets du sucre, mais aussi de la tendresse et du respect : Henry qui travaille, vous comprenez.

Et puis, quand on est faible comme Henry, écrire, pour le cerveau, est dangereux. Elle savait cela d’un docteur. Henry peut-être s’en doutait. Alors, il fallait le consoler ; comme des roses autour de son portrait, mettre autour de sa vie de la joie qui embaume. Elle était là pour cela. À la nuit, quand il rentrait, elle ne faisait pas comme certaines : « Pas maintenant, mon petit, j’ai sommeil. » Elle disait : « Tu sais, je ne dors pas, mon chéri. » Mais le jour, il n’aimait aucun des plaisirs auxquels les autres s’amusent. Il tirait sa moue : « Aller au café, ça me déplaît… Un livre ? pourquoi faire ? j’aurai pu l’écrire… » Il s’étalait sur sa chaise longue et, près de lui, sans doute, les pensées qui viennent quand on est sur une chaise longue à ne rien faire.

Elle lui demandait :

— Veux-tu que je vienne près de toi ?

— Heuh !

— Veux-tu que nous fassions une promenade ?

— Heuh !

Pourtant, un jour, il désira quelque chose. Elle crut d’abord : « Tu veux rire. » Non, il était sérieux.