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il en vole tant que le bruit qu’elles font n’est plus un bruit d’abeilles : c’est une vibration, c’est un chant, c’est, comment dire ? une musique qu’on entend sans l’écouter, parce qu’on l’entend toujours quand il fait bon, quand il fait chaud et que l’on dort parmi les abeilles, dans la bruyère en fleurs.

Car vous dormez. Vous êtes sur le dos : votre chien dort aussi ; il s’appelle « Spitz » ; vous, vous êtes Henry Boulant et vous ouvrez un œil. Que voyez-vous ? Du bleu comme là-bas, du blanc comme là-bas, des nuages comme là-bas ; mais tout entier vous voyez ce blanc, tout entier ce bleu, tout entiers ces nuages ; et ce bleu, ce blanc, ces nuages, vous les voyez tellement hauts que vous en êtes un peu saoul.

Notez : vous n’ouvrez qu’un œil et vous en avez deux ; vous êtes sur le dos et vous pourriez être debout ; vous regardez à gauche, et à droite, pour vos deux yeux, devant vous, derrière — sans corniches, avec son soleil, avec ses nuages,  — vous auriez encore le ciel.

Alors vous pensez à quelque chose de grand, vous pensez à quelque chose de puissant, à quelque chose qui n’est plus des hommes, à quelque chose qui vous rend un peu saoul ; vous pensez un mot, vous dites : Dieu.

Comment flâner par la bruyère et ne pas croire en Dieu ?

Henry croyait en Dieu. Il suffisait de lire ses lettres aux amis : « Je crois en Dieu. » Il est noble, quand on a quitté la ville, quand déjà l’on a dit : « Je suis simple », d’avouer : « Mon Dieu, oui, je crois en Dieu. »

D’ailleurs, sous le grand ciel, on trouve les