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que sa robe était vert Nil, qu’on lui voyait de la gaze et de la soie bien plus que chez Marie dont la robe était en drap. Pourtant entrer, comme elle le fit, sans regarder les fleurs, dire avec son air : « Bonjour, Henry, comment allez-vous ? » et rester pendant trois minutes le dos à Marie comme s’il n’y avait eu là qu’une servante !

Après, on mangea du saumon. Mais du saumon, qu’est-ce que cela prouve ?


V



Il vint une autre fois où le saumon ne prouva rien, mais auparavant il s’écoula beaucoup de temps. C’est même curieux, peut-être parce qu’on est Marie-l’Épouse, il semble que le temps, si vite à courir, s’enfuit encore plus vite. Après les jours pour les visites, il arriva des jours pour la machine à coudre, des jours où la viande alla d’elle-même graisser les murs, des jours aussi où l’on passa par la Caisse d’Épargne. Ni des francs d’Henry, ni des francs de Marie, il ne restait plus beaucoup de francs. Elle pensait quelquefois : « Mon Dieu, je suis inquiète. »

Henry avait une de ces tantes dont on ne sait plus qu’elles sont de bonne famille : elle aurait pu, comme ses sœurs, vivre dans le monde, mais plus beau que le monde, elle préférait Dieu. Elle vivait au couvent, loin, dans une autre ville ; elle soignait des orphelines. On l’appelait la Tante-Nonne.