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voyait les arbres de la chaussée et leurs feuilles étaient bleues ; un champ de trèfles avec des fleurs moins écarlates ; le mur du cimetière là-bas, si blanc qu’on eût pu voir à travers et, au-dessus, un grand Christ qui ouvrait tout larges les bras pour recevoir à plein corps la lumière.

— Voulez-vous, dit Hector, que nous marchions un peu.

— Oh ! non, fit Marie, pas cela.

Elle le savait. Son père l’avait dit : « Celles qui se promènent la nuit avec des jeunes gens sont des chattes en folie. » Elle ne voulait pas être une chatte en folie. De plus, elle était sur ses bas et les convenances veulent des chaussures quand on marche. Mais elle ne défendit pas sa main.

Elle avait cinq doigts et, avec chacun, Hector voulut faire connaissance ; d’abord le petit, si petit qu’à peine on le trouve ; puis un plus grand où il y a de la place, déjà, pour une caresse ; puis de plus grands, pour deux caresses ; puis ce méchant pouce, tout seul, à l’écart :

— Viens ici, méchant pouce, qu’on te ramène.

Puis ce fut la paume, de jolis coussins bourrés de chair moelleuse ; les ongles, qui sont les vitres par où regardent les doigts ; les bras, de beaux chemins blancs, aussi haut que le permet la manche. Et après la main droite, Hector découvrit la main gauche, avec les doigts, avec la paume, avec le bras ; et quand il les eut connues toutes deux, elles étaient à lui ; il les garda.

Était-ce défendu ? Elles ne cherchaient pas à fuir. Elles habitaient là, bien au chaud, dans une maison nouvelle. Elles auraient voulu être plus nombreuses : dix mains, vingt mains,