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En dessous, il poussait un rien, une tige, un cheveu de mauvaise herbe. Elle voulait l’arracher. Il disait : « Oh ! non, c’est de la vie. »

Un jour, il revint très joyeux ; il avait vu un docteur, il connaissait maintenant le nom de son mal, le docteur avait dit : « Ce n’est rien, vous êtes neurasthénique. » On n’aurait peut-être pas dû lui dire. Les neurasthéniques sont irritables et se laissent facilement emporter : il se laissait emporter. Il vint à leurs murs de nombreuses taches. Elle n’aimait pas les hommes qui sont des brutes ; mais, celui-ci, était-ce de sa faute ? Elle s’offrait. « Fâche-toi, crie sur moi. » Comme on dit : elle fermait les yeux. Cela cache vos larmes.

Après, il se repentait, dix fois le jour à son cou, avec la même plainte :

— Maman, je voudrais tant guérir et travailler !

— Mais oui, tu guériras, tu travailleras.

Le docteur l’affirmait aussi. En attendant, il fallait le distraire. À quoi servirait l’argent versé à la Caisse d’Épargne, si on l’y laissait dormir pendant que le gosse est malade ? Tant pis, elle laissait là son linge, ils sortaient. Il se pendait à son bras ; il soulevait un à un des pieds pénibles de vieillard. Dans les champs, où il ne passe personne, il était content. Il disait : « Je suis bien. » Mais dès qu’il voyait des gens, il devenait enragé. Des imbéciles ! Avec sa canne, il voulait sabrer là-dedans. Pourtant, il avait peur ; il ne fût pas entré seul dans une boutique ; chez le coiffeur, Marie devait dire : « Non, pas les cheveux, je viens pour la barbe. »