Page:Baillon - Histoire d'une Marie, 2è édition, 1921.djvu/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’argent dont on n’a que faire : à la Caisse d’Épargne. Mais elle fut bien plus heureuse une autre fois que, pour sa fête, on décloua une caisse en planches couvertes de fleurs :

— Oh ! François : une machine à coudre.

Elle en pleura.

Une machine, c’est dans un ménage plus d’ordre ; c’est du linge que l’on confectionne, c’est la toile achetée moins cher à la pièce, c’est la nappe déchirée qui tournerait en loque si un rafistolage n’y mettait aussitôt le holà.

— Petite-Marie, disait François, laisse donc, tu te fatigues.

Elle ? Pas du tout ; elle aimait sa machine à coudre. Elle avait eu la demoiselle qui vous enseigne au piano un petit air : « Mi-do, arrondissez les doigts, Mademoiselle. » Elle avait eu le professeur à cause des fautes d’orthographe : « Les participes, Madame… » Foin des participes ; zut ! pour do-mi : une petite roue qui ronfle, une couture bien droite, voilà la musique de la femme, voilà pour la femme la meilleure orthographe. Elle pensait :

— Toi, François, tu fumes, tu penses à ta chasse, tu as tes affaires d’homme. Moi, j’ai mes amies. Écoute mon volant : il chante ; regarde l’aiguille, comme elle danse, et la navette, tu ne la vois pas, mais elle est là : elle s’agite, elle court, elle va, elle vient, elle a besoin de tout son temps pour porter d’un bout à l’autre tout le fil qu’on lui demande.

Le soir, cela faisait une chemise et c’était une fête encore, sous la lampe, d’essayer aux épaules de François si la chemise allait bien. Mais oui !

Cette fois, elle ne cacha rien à Mère : « Il s’ap-