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la revoulait. Elle avait ainsi sa clientèle, autant de maris qui venaient pour elle seule.

— La fleur de ma maison, disait Madame.

Les autres étaient jalouses.

— Mais, Blanche, tu te fatigues, tu maigriras, tu te tueras.

Certes, Blanche n’était pas avare de son corps ; certes il lui arrivait de préférer à la pièce de cent sous un bon gros baiser bien chaud sur la bouche ; elle était libre, n’est-ce pas ? Quant à maigrir, seule l’inquiétude, la tristesse ou la faim rongent la chair bas de vos os.

Elle avait le réfectoire, elle avait la chambre, elle avait le Règlement : Blanche devenait grasse.

Les jours passent vite. Elle eut vingt-cinq ans, Marie. On devient sérieuse. Elle ne pensait plus aux Vladimir, moins encore aux d’Artagnan. Ses parents la savaient revenue de Londres pour une bonne place qui lui laissait beaucoup de loisirs.

Elle prit une amie. Oh ! pas une de ces amies dont on dit dans ces maisons : « Hé ! hé ! Blanche et Eva, elles sont toujours ensemble. » On peut être des amies sans penser pour cela à des choses qui ne se font pas. On l’appelait Eva, mais son vrai nom était Louise. Louise avait eu des malheurs : à vingt ans, elle s’était laissée entraîner sans trop savoir ; elle sortait du pensionnat ; à quarante, elle ne s’était pas reprise. Pourtant elle détestait son métier.

— Alors, quitte-le, disait Marie, cherche du travail.

Mais, pas plus que son métier, Louise n’aimait le travail. Elle se négligeait ; elle avait pris