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recherche d’un local convenable. Levés tôt, ils visitaient des établissements, discutaient l’emploi des pièces et, déjà, Rosine prenait des mesures pour les meubles. Elle s’inquiétait surtout de son comptoir ; Daniel lorgnait la pièce dont il ferait sa chambre d’études. Les propriétaires montraient un air aimable en apprenant qu’il s’agissait de leur immeuble, mais leur mine se renfrognait dès que les jeunes gens confessaient qu’ils n’étaient pas mariés et, les uns, brusquement, les autres, en phrases onctueuses, ils coupaient l’entretien.

Les amants recommençaient avec moins de courage le lendemain. Ils battirent ainsi, presque toutes les rues de la ville.

Enfin, près de la Meuse, aux abords d’un marché, ils trouvèrent une maison, trop vaste pour eux, d’aspect maussade et délabré, mais dont le détenteur consentit à les recevoir.

Ce n’était ni un comte russe, ni un colonel polonais. La simplicité de son nom inspirait confiance ; il s’appelait Jeangros et menait la respectable vie des champs dans une maison de plaisance aux abords de la ville. Ils trouvèrent le bon campagnard, en sabots, engraissant ses terres, dans une vapeur de fumier. Il ouvrit lui-même la barrière de son enclos. Il eut un sourire indulgent quand Daniel, suivant un euphémisme préparé d’avance, déclara que la loi n’avait pas encore consacré leur union.

Il hocha approbativement la tête à tous leurs projets, souhaita bonne réussite et, comme ils allaient signer le bail, tout à coup il le reprit et annonça qu’il exigeait une caution de mille francs et se voyait forcé d’augmenter d’autant le prix de son loyer.

— Soit, murmura Daniel, craignant, s’il discutait de manquer encore cette affaire.

En quelques jours la baraque se purifia : des lettres d’or et non de couleur rouge s’étalèrent à la devanture,