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de dehors, et suivies de celle de la ville. Les jésuites du collége royal revêtus de surplis chacun le cierge à la main paroissoient ensuite. Puis le Sieur De La Varenne avec le Baron De Sainte Susanne son fils, et vingt-quatre gentilhommes pensionnaires étudians au collége, du nombre desquels étoit M Descartes. Aprés on voyoit les officiers de la justice, et les bourgeois portant tous des torches blanches allumées. Toute cette procession marcha hors de la ville, et alla recevoir le cœur dans un grand pré. Les jésuites de Paris se joignirent à ceux de La Fléche, et le P Armand prit dans ses mains le cœur qui avoit été posé jusqu’alors sur un carreau. Il étoit précédé d’un héraut d’armes, accompagné de deux exempts, et escorté de douze archers des gardes tenant le pistolet à la main, outre deux hommes qui soûtenoient les bras du P Armand, lequel étoit suivi de tous les séculiers. Lors qu’on fut arrivé dans l’eglise de Saint Thomas, on fit le service, et le Pere Coton prononça l’oraison funébre. Aprés quoy le Duc De Montbazon prit le cœur de la main du Pére Armand, le porta jusqu’au collége des jésuites, où l’on avoit dressé au milieu de la grande cour un arc de 27 pieds de haut et de 26 de large. L’ouverture étoit large de dix pieds, et haute de dix-huit. On y passoit pour aller à la grande sale tenduë de velours, qui a servi de chapelle depuis ce tems-là. Le collége étoit tout revêtu de deüil comme la porte de la ville et l’eglise de Saint Thomas. Mais ce qu’il y avoit de particulier, outre les litres, les écussons, les têtes de morts, les larmes, et les fleurs de lys d’argent, étoient les emblêmes, les devises, et les épigrammes, à la composition desquelles on ne pourra pas croire que M Descartes n’a point eu de part, lorsqu’on songera au talent et à l’inclination qu’il avoit pour les vers.

Aux deux coins de l’autel étoient deux colonnes couvertes d’or bruni, et un arc qui montoit de leurs chapiteaux jusqu’au lambris de la sale, et qui étoit traversé d’une corniche, du milieu de laquelle sortoit un fleuron doré avec ses branches, pour supporter le cœur du roy. Le héraut monté sur l’échaffaut le reçut des mains du Duc De Montbazon, l’éleva pour le faire voir à toute l’assemblée, et aprés le cry répété par trois fois, il le posa sur le fleuron pour y demeurer, jusqu’à ce qu’on eût achevé l’urne dans laquelle i