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lieu. C’est dans les colléges que l’on jette les semences des amitiez les plus fortes et les plus durables. Souvent même les animositez, les jalousies, et les inimitiez des enfans se tournent en bien-veillance et en amitié, lorsque la raison et la longueur des années ont corrigé ce qu’il y auroit eu de défectueux dans le souvenir d’avoir vécu ensemble.

Le nombre des amis que M Descartes avoit faits à La Fléche peut avoir été fort grand ; mais il n’en est resté que deux ou trois, dont la connoissance soit venuë jusqu’à nous. Le prémier étoit un nommé M Chauveau, dont il paroît avoir ignoré luy-même les avantures. J’ay connu autrefois, dit-il, dans une lettre écrite en 1641 un M Chauveau à La Fléche qui étoit de Melun. Je serois bien-aise de sçavoir si ce ne seroit point celuy-là qui enseigne les mathématiques à Paris. Mais je croy qu’il alla se rendre jésuite, et nous étions luy et moy fort grands amis. Quoy qu’il en soit du Pere Chauveau jésuite dont nous n’avons point de connoissance, on peut remarquer que M Descartes a été lié d’amitié avec M Chauveau le mathématicien depuis l’édition de ses prémiers ouvrages jusqu’à sa mort ; et il en parloit encore en 1649 comme d’un homme qu’il avoit entretenu étant à Paris sur diverses choses qu’il n’approuvoit pas dans M De Roberval.

L’autre ami de collége étoit le fameux Pére Marin Mersenne minime, que le Pére Rapin n’a point fait difficulté d’appeller le résident de M Descartes à Paris . Mersenne étoit de sept ans et demi plus âgé que luy, étant né le huitiéme jour de septembre de l’an 1588 dans la petite bourgade d’Oysé au Maine.

Il avoit beaucoup avancé le cours de ses humanitez dans le collége de la ville du Mans, lorsque la nouvelle de l’établissement du collége de La Fléche le fit rappeller par ses parens qui n’en étoient qu’à trois lieuës. Il y vint étudier presqu’en même tems que M Descartes, et y apprit la rhétorique, la philosophie, et les mathématiques. La différence de l’ âge et des éxercices ne leur permit pas sans doute de faire d’étroites habitudes ensemble dans ce collége : et il est probable que Mersenne ayant quitté ce lieu pour venir en Sorbonne, ils furent assez long-tems sans entendre parler l’un de l’autre. Mais l’amitié qu’ils ont entretenuë depuis